Page:Œuvres de Blaise Pascal, XII.djvu/200

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Pascal, l’avant mis dans cette disposition de chercher à s’instruire sur un doute si important, l’adresse premièrement aux philosophes, et c’est là qu’après lui avoir développé tout ce que les plus grands philosophes de toutes les sectes ont dit sur le sujet de l’homme, il lui fait observer tant de défauts, tant de faiblesses, tant de contradictions, et tant de faussetés dans tout ce qu’ils en ont avancé, qu’il n’est pas difficile à cet homme de juger que ce n’est pas là où il doit s’en tenir.

Il lui fait ensuite parcourir tout l’univers et tous les âges, pour lui faire remarquer une infinité de religions qui s’y rencontrent ; mais il lui fait voir en même temps, par des raisons si fortes et si convaincantes, que toutes ces religions ne sont remplies que de vanité, de folies, d’erreurs, d’égare ments et d’extravagances, qu’il n’y trouve rien encore qui le puisse satisfaire,

Enfin il lui fait jeter les yeux sur le peuple juif ; et il lui en fait observer des circonstances si extraordinaires, qu’il attire facilement son attention. Après lui avoir représenté tout ce que ce peuple a de singulier, il s’arrête particulière ment à lui faire remarquer un livre unique par lequel il se gouverne, et qui comprend tout ensemble son histoire, sa loi et sa religion. À peine a-t-il ouvert ce livre, qu’il y apprend que le monde est l’ouvrage d’un Dieu, et que c’est ce même Dieu qui a créé l’homme à son image, et qu’il l’a doué de tous les avantages du corps et de l’esprit qui convenaient à cet état. Quoiqu’il n’ait rien encore qui le convainque de cette vérité, elle ne laisse pas de lui plaire ; et la raison seule suffît pour lui faire trouver plus de vraisemblance dans cette supposition, qu’un Dieu est l’auteur des hommes et de tout ce qu’il y a dans l’univers, que dans tout ce que ces mêmes hommes se sont imaginé par leurs propres lumières. Ce qui l’arrête en cet endroit est de voir, par la peinture qu’on lui a faite de l’homme, qu’il est bien éloigné de posséder tous ces avantages qu’il a dû avoir lorsqu’il est sorti des mains de son auteur ; mais il ne demeure pas longtemps dans ce doute ; car dès qu’il poursuit la lecture de ce même livre, il y trouve qu’après que l’homme eut été créé de Dieu dans l’état d’inno cence, et avec toute sorte de perfections, sa première action fut de se révolter contre son créateur, et d’employer à l’offenser tous les avantages qu’il en avait reçus,