Page:Œuvres de Blaise Pascal, XII.djvu/224

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et tout cela tellement joint et inséparable que son attention en redouble, et qu’il croit en pouvoir conclure que s’il y a quelque chose de vrai, il faut que tout le reste le soit.

Mais, ce qui est étonnant, il n’a pas ouvert ce livre qu’avec l’histoire de ce peuple il y trouve aussi celle de la naissance du monde ; que le ciel et la terre sont l’ouvrage d’un Dieu ; que l’homme a été créé, et que son auteur s’est fait connaître à lui ; qu’il lui a soumis toutes les autres créa tures ; qu’il l’a fait à son image, et par conséquent doué d’in telligence et de lumière, et capable de bien et de vérité ; libre dans ses jugements et dans ses actions, et dans une parfaite conformité des mouvements de son cœur à la justice et à la droite raison. Car enfin, c’est ce qu’emporte cette ressem blance avec Dieu, à qui l’homme ne peut ressembler par le corps ; et ce souffle de vie dont Dieu l’anima, qui ne peut être autre chose qu’un rayon de cette vie tout intelligente et toute pure qui fait son essence.

Voilà, à dire vrai, bien des doutes levés, et par un moyen bien facile. L’éternité du monde où l’on se perd, et cette ren contre fortuite de quelques atomes ne sont assurément pas si aisés à concevoir ; et lorsqu’il s’agit d’expliquer cet ordre admirable de l’univers, la génération des plantes et des ani maux, l’artifice du corps humain, et ce qu’on entend surtout par les noms d’âme et de pensée, qu’il s’en faut que cette éternité et ces atomes ne paraissent aussi bien imaginés, et que l’esprit n’ait autant d’envie de s’y rendre !

Que cet homme s’estimerait donc heureux, s’il pouvait trouver que ce fut là une vérité ! Dans l’espérance qu’il con çoit de ce commencement de lumière, il n’est rien qu’il ne donnât pour cela. Mais comme il ne voudrait point d’un repos où il lui restât quelque doute, et qu’il craint autant de se tromper que de demeurer dans l’incertitude où il est, il veut voir le fond de la chose et l’examiner avec la dernière exactitude.

Il remarque premièrement, comme une circonstance qu’on ne saurait trop admirer, que celui qui a écrit cela ait com pris tant de choses, et des choses si considérables dans un seul chapitre, et encore bien court. Et au lieu que tous les hommes sont naturellement portés à agrandir les moindres choses, et que tout autre peut-être aurait cru déshonorer un