Page:Œuvres de Blaise Pascal, XII.djvu/225

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si grand sujet, en le touchant si légèrement, il admire que celui-ci en ait pu parler d’une manière si simple ; et qu’étant, ou voulant qu’on le crût, choisi pour l’annoncer aux hommes, il ait si peu songé à se faire valoir, à prévenir l’esprit de ses lecteurs, à donner du lustre à ce qu’il disait, ou à le prouver. Un caractère si rare, ou plutôt si unique, mérite sans doute quelque respect ; et il y a grande apparence que quiconque a pu traiter ainsi des choses de cette nature, a hien senti que tout leur prix consistait dans leur vérité, sans qu’elles eussent aucun besoin d’ornements étrangers, et qu’il était même per suadé qu’elles étaient, ou bien connues, ou bien aisées à croire.

Mais cependant il se présente d’abord une difficulté qui paraît insurmontable ; et au même temps qu’on voit claire ment que si c’est un Dieu qui a créé les hommes, et qu’il ait lui-même rendu témoignage de la bonté de ses ouvrages, il faut que l’homme ait été créé dans l’état que j’ai dit : on s’en sent si éloigné que l’on ne sait plus où l’on en est. Bien loin qu’on puisse se prendre pour une image de Dieu, on ne trouve pas en soi le moindre trait de ce qu’on se figure en lui, et plus on se connaît, moins se trouve-t-on disposé à révérer un Dieu à qui on ressemblerait.

Il est sans doute qu’on serait peu éclairci, si on en demeu rait là. Mais ce serait être bien négligent et bien coupable que de ne pousser pas plus avant une recherche si impor tante. Car cette ouverture qu’un Dieu nous ait faits, a de si grandes suites, qu’il n’y a que la crainte de trouver plus qu’on ne voudrait, qui puisse empêcher de l’approfondir. Cet homme que M. Pascal supposait incapable de cette horrible crainte d’apprendre son devoir, et qui connaissait trop son incapacité, pour qu’il pût décider de lui-même une chose si importante, ne s’en tint donc pas là, et n’attendit guère à en trouver l’éclaircissement.

Car ce qu’il voit incontinent après, c’est que ce même homme, que nous avons peint si éclairé, si maître de lui, eut à peine connu son auteur, qu’il l’offensa ; que le premier usage qu’il fit de ce présent si précieux de la liberté, ce fut de s’en servir à violer le premier commandement qu’il en avait reçu ; et qu’oubliant tout d’un coup ce qu’on peut penser que devait à Dieu une créature qui venait d’être tirée