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Page:Œuvres de Blaise Pascal, XII.djvu/233

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d’une certitude et d’une évidence entière, la raison et le bon sens les obligent de commencer par celles-ci, et de conclure, si elles se trouvent convaincantes, qu’ils se trompaient dans les leurs, quand même ils ne pourraient en découvrir le défaut.

Or on ne saurait douter que la plus grande de toutes les autorités, pour attirer la créance des hommes, ne soit celle des miracles et des prophéties. 11 n’y a point de gens assez fous pour croire que naturellement on puisse fendre la mer pour Ja passer, ou prédire une chose deux mille ans avant qu’elle arrive. Et quand on prétendrait qu’il y eût eu quelques miracles, et même des prophéties parmi les païens, c’est toujours assez pour prouver qu’il y a autre chose que des hommes ; et il ne serait pas difficile de faire voir qu’il n’y a rien que d’avantageux à la religion chrétienne dans ces miracles et dans ces prophéties, s’il y en a eu. Il faut donc nier absolument qu’il y en ait jamais eu ; ce qui ne serait pas moins extravagant, puisque de toutes les histoires du monde il n’y en a point de si appuyée que celle de notre reli gion, et où tant de choses concourent pour établir la certitude.

C’est ce que M. Pascal aurait fait voir clairement, soit qu’il la considérât du côté du fait, ou qu’il en examinât le fond et les beautés ; et chacun en pourra juger par un petit article qu’on a laissé exprès dans ces fragments, et qui n’est qu’une espèce de table des chapitres qu’il avait dessein de traiter, et de chacun desquels il toucha quelque chose en passant dans le discours dont j’ai parlé.

Premièrement, pour ce qui est de Moïse en particulier, on ne doutera pas qu’il n’ait été aussi habile et d’aussi grand sens qu’homme du monde, et qu’ainsi, si c’avait été un imposteur, il n’eût pris des voies toutes opposées à celles qu’il a suivies ; puisqu’à considérer les choses humainement, il était impossible qu’il réussit. Si ce qu’il a dit des premiers hommes, par exemple, était faux, il n’y avait rien de si aisé que de l’en convaincre ; car il met si peu de générations depuis la création jusqu’au déluge, et de là jusqu’à la sortie de l’Egypte, que l’histoire de nos derniers Rois ne nous est pas plus présente que celle-là devait l’être aux Israélites, et comme il pouvait y avoir de son temps des gens qui devaient avoir vu Joseph, dont le père avait vu Sem, et que Sem avait