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Page:Œuvres de Blaise Pascal, XII.djvu/249

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n’a pas plu à Dieu de les traiter si avantageusement, et qu’il n’y a point été obligé, il faut qu’ils s’accommodent à leur condition et à la nécessité, et qu’ils agissent au moins raison nablement dans l’étendue de leur capacité bornée, sans se réduire à l’impossible, et se rendre malheureux et ridicules tout ensemble.

S’ils peuvent une fois se résoudre à cela : bien loin de résister, comme ils font souvent, à l’éclat lumineux que cer taines preuves répandent dans l’esprit, ils reconnaîtront sans peine, qu’ils se doivent contenter en toutes choses d’un rayon de lumière, quelque médiocre qu’il leur paraisse, pourvu que ce soit une véritable lumière ; que les preuves qui concluent sont quelque chose de réel et de positif, et les difficultés de simples négations, qui viennent de ne pas tout voir ; et que, comme il y a des preuves lumineuses qui ne laissent aucune obscurité, il y en a aussi qui éclairent assez pour voir sûre ment quelque chose : après quoi, quelque difficulté qu’il reste, elle ne saurait plus empêcher que ce qu’on voit ne soit, et ce n’est plus que le défaut, ou de celui qui montre, et qui ne peut tout éclaircir, ou de celui qui veut voir, et qui n’a pas la vue assez bonne. Car, enfin, il y a une infinité de choses qui ne laissent pas d’être, pour être incompréhensibles ; et il serait ridicule, par exemple, de vouloir revenir contre des démonstrations, parce qu’elles auraient des conséquences dont on ne verrait pas bien clairement la liaison.

S’il n’y avait rien d’incompréhensible que dans la religion, peut-èlre y aurait-il quelque chose à dire. Mais ce qu’il y a de plus connu dans la nature, c’est que presque tout ce que nous savons qui est, nouj est inconnu, passé de certaines bornes, quoique nous l’ayons comme sous nos yeux, et entre nos mains. Au lieu que la religion a cet avantage, que ce que nous n’en comprenons pas se trouve fondé sur la nature de Dieu et sur sa justice, dont il est bien certain, quel qu’il soit, que nous n’en saurions connaître que ce qu’il lui plaira de nous en découvrir. Tenons-nous-en donc là, et lui rendons grâces de nous en avoir assez montré pour marcher en assu rance, et que ceux qui sont si choqués de notre soumission à des choses qu’on ne saurait comprendre, reconnaissent quelle est leur injustice ; puisqu’on ne la leur demande, qu’après avoir montré, par une inanité de preuves, qu’il faut être sans