Page:Œuvres de Blaise Pascal, XII.djvu/248

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marquent qu’il est impossible que les hommes seuls s’en soient mêlés ? Quand je serais aussi capable que je le suis peu, de suppléer à son défaut, ce n’en est pas ici le lieu ; ce serait achever son ouvrage, dont je n’ai voulu que montrer ie plan. Mais quoique je m’en sois mal acquitté, et quelque imparfait que nous l’ayons, c’est toujours assez pour faire voir quel il eût été, et même plus qu’il n’en faut, pour pro duire l’effet qu’il souhaitait dans l’esprit de ceux qu’ voudront bien se servir de leur raison. Car, enfin, il n’a pas prétendu donner la foi aux hommes, ni leur changer le cœur. Son but était de prouver qu’il n’y avait point de vérité mieux appuyée dans le monde que celle de la religion chrétienne ; et que ceux qui sont assez malheureux pour en douter, sont visible ment coupables d’un aveuglement volontaire, et ne sauraient se plaindre que d’eux-mêmes. Et c’est ce qui paraîtra claire ment à quiconque voudra prendre la chose d’aussi loin que lui, et envisager tout à la fois, et sans prévention, cette longue suite de miracles et de prophéties : cette histoire si suivie, et plus ancienne que tout ce qu’on connaît dans le monde, et tout ce qu’il trouvera dans ce recueil. Je dis sans prévention, parce qu’il en faut au moins quitter une, à laquelle il est bien aisé de renoncer, quand on se fait justice, c’est-à-dire à ne vouloir croire que ce qu’on voit sans la moindre difficulté. Car, quand nous ne serions pas avertis de la part de Dieu même de ce mélange de l’obscurité aux clartés, nous sommes faits d’une manière que cela ne doit point nous arrêter.

Il est sans doute que toutes les vérités sont éternelles, qu’elles sont liées et dépendantes les unes des autres ; et cet enchaînement n’est pas seulement pour les vérités naturelles et morales ; mais encore pour les vérités de fait, qu’on peut dire aussi en quelque façon éternelles : puisqu’étant toutes assignées à de certains points de l’éternité et de l’espace, elles composent un corps qui subsiste tout à la fois pour Dieu. Ainsi, si les hommes n’avaient point l’esprit borné et plein de nuages, et que ce grand pays de la vérité leur fût ouvert, et exposé tout entier à leurs yeux, comme une province dans tune carte géographique, ils auraient raison de ne vouloir rien recevoir qui ne fût de la dernière évidence, et dont ils ne dissent tous les principes et toutes les suites. Mais puisqu’il