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Page:Œuvres de Blaise Pascal, XII.djvu/281

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sans la foi ne peut connaître ni le vrai bien ni la justice ; Miton est convaincu que la nature est corrompue ; mais y a-t-il quelque chose au delà ? le pessimisme est-il le dernier mot de toute sagesse ? L’homme ne peut répondre : qu’il écoute Dieu. Peut-être la sagesse divine nous donnera-t-elle la raison des effets dont la contrariété nous déconcerte. À elle seule, il appartient de remonter le cours de temps et d’expliquer par le mystère de notre origine l’énigme de notre nature. L’homme a tour à tour été dans deux états : dans l’état de création où Dieu l’a mis, et dans l’état de péché où il s’est mis lui-même ; ces états successif, que la religion nous révèle, expliquent les états simultanés que l’analyse nous découvre ; car l’homme, en tombant dans la concupiscence et dans la misère par suite du péché, a conservé cependant le souvenir et la trace de sa grandeur primitive. Aussi, dès que ce secret est découvert, qui n’aura du respect pour cette religion qui enseigne à ses plus humbles enfants ce que les sages de la terre n’ont pu deviner ? surtout qui ne désirera être délivré de cette concupiscence qui est le fruit et le châtiment du péché ? qui ne désirera rentrer dans la véritable nature et dans la véritable raison ? Par la nature et par la raison, il est aisé de concevoir l’injustice et le dérèglement de l’amour-propre : quon s’imagine un corps plein de membres pensants (métaphore d’origine et d’esprit stoïciens qui devait, par l’intermédiaire de saint Paul, s’introduire en plein centre dans Y Apologie de Pascal), est-il convenable que la partie s’érige en tout, et qu’elle poursuive son propre bien à l’exclusion et au détriment du bien du corps ? ou, au contraire, ne lui suffira-t-il pas de penser pour reconnaître que là où se trouve l’origine de son être et de sa vie, là se trouve le véritable bien, pour aimer le corps ? La volonté propre ne se satisfera pas ; la satisfaction de la volonté ne peut résider que dans l’être universel qui est à la fois en nous et hors de nous, qui est Dieu. La morale chrétienne consiste dans le triomphe de la charité sur la concupiscence ; parla morale la doctrine est éclairée et justi fiée. Car si l’homme se hait lui-même et aime Dieu, d’où peut-il tenir de tels sentiments ? Ce n’est pas de lui-même, puisque sa nature est corrompue par le péché, puisque l’homme est condamné maintenant à s’aimer et à aimer toutes choses pour soi ; Dieu ne sera pas la fin, s’il n’est le