Page:Œuvres de Blaise Pascal, XII.djvu/287

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

ARGUMENT DES PENSÉES. cclxxi

les matériaux nombreux et abondants que les manuscrits nous fournissent et qui ont été naturellement réu nis dans cette section. Mais ils témoignent de l’importance capitale que Pascal accordait aux prophéties et sur laquelle il avait vivement insisté dans la conférence faite à Port iloyal. Ce sont elles qui mettent une différence essentielle entre la religion chrétienne et les autres religions, et en un sens elles constituent pour Pascal le fondement historique de la foi ; par elle l’histoire universelle a un sens religieux. Si l’univers extérieur est muet, l’humanité tout entière parle de Dieu : « Qu’il est beau de voir par les yeux de la foi, Hé rode, César, etc. »

Section XII. Preuves de Jésus-Christ.

Les prophéties ont annoncé le Messie, et Jésus-Christ est venu. L’Ancien Testament est plein de son attente ; mais cela même est cause d’obscurcissement et d’aveuglement : car ce Messie, célébré avec tant d’éclat par Isaïe et par Daniel, est venu dans une condition si basse que les historiens du monde l’ont ignoré, que les Juifs, témoins de sa vie, l’ont rejeté et l’ont crucifié. Or, cette raison, qui est pour les libertins un prétexte à ne pas croire, est pour les vrais chrétiens une con firmation de leur croyance. Car les Juifs, étant charnels, ont attendu le Messie charnel, le roi de la concupiscence qui leur apporterait les richesses de la terre, la domination de la terre ; mais Jésus n’a combattu qu’avec la prière, il n’a conquis que les âmes. Son triomphe a été de se sacrifier pour racheter les hommes. Celui que les Juifs auraient reconnu n’aurait pas été le vrai Messie, car il n’aurait point libéré du péché, il n’aurait point vaincu la concupiscence. Mais celui qu’ils ont méconnu, ils l’ont prouvé en le faisant mourir ignominieusement ; d’une part ils ont manifesté la sincérité de leur témoignage, d’autre part ils ont fait éclater la grandeur qui était propre au Rédempteur, et qui est l’ordre de la charité. Pour qui sait lire l’Évangile avec « les yeux du cœur, qui voit la sagesse », tout y est transparent et louchant. Quand la divinité de celui qui les inspira ne serait pas attestée par la naïveté des évangélistes qui se traduit jusque dans leur discor-