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Page:Œuvres de Blaise Pascal, XII.djvu/352

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pour la vie chrétienne ; mais entre tous ceux que le monde a inventés, il n’y en a point qui soit plus à craindre que la comédie l. C’est une représentation si naturelle et si délicate des passions, qu’elle les émeut et les fait naître dans notre cœur, et surtout celle de l’amour ; principalement lorsqu’on [le] re présente fort chaste et fort honnête. Car plus il paraît innocent aux âmes innocentes, plus elles sont capa


quer que les éditeurs de 1670 avaient laissé ce fragment de côté. Pour tant le doute est permis ; ne fût-ce que comme citation, le fragment a sa place parmi les Pensées de Pascal.

1. La thèse janséniste a été reprise par Nicole, qui écrit en 1665 : c Un faiseur de romans et un poète de théâtre est un empoisonneur public, non des corps, mais des âmes des fidèles, qui se doit regarder comme coupable d’une infinité d’homicides spirituels, qu’il a causés en effet ou qu’il a pu causer par ses écrits pernicieux. Plus il a eu soin de couvrir d’un voile d’honnêteté les passions criminelles qu’il y décrit, plus il les a rendues dangereuses, et capables de surprendre et de corrompre les âmes simples et innocentes. » On sait que cette phrase des Visionnaires, dirigée contre Des Maretz de Saint-Sorlin, valut à Nicole une réponse hautaine de Corneille dans la préface d’Attila, et provoqua aussi la Lettre de Racine à l’auteur des Hérésies imaginaires, où l’ancien élève de Port-Royal dut plus d’une fois rappeler à ses maîtres l’auteur des Provinciales. Plus tard lorsque Bossuet condamnera le théâtre dans sa Lettre au Père Calfaro et dans ses Maximes et Réflexions sur la comédie, il enveloppera, lui aussi,, dans cette condamnation la peinture de la passion honnête « qui n’en est que plus périlleuse lorsqu’elle paraît plus épurée ». À la veille de sa mort enfin, Arnauld prenant la défense de Boileau contre Perrault cite ce passage d’un livre ce imprimé il y a dix ans » et qui est « assez rare » : « Peut-on avoir un peu de zèle pour le salut des âmes qu’où ne déplore le mal que font dans l’esprit d’une infinité de personnes les romans, les comédies et les opéras ? Ce n’est pas qu’on n’ait soin présentement de n’y rien mettre qui soit grossièrement déshonnête y mais c’est qu’on s’y étudie à faire paraître l’amour comme la chose du monde la plus charmante et la plus douce. Il n’en faut pas davanw tage pour donner une grande portée à cette malheureuse passion. ». (Lettre du 5 mai 1694).