Page:Œuvres de Blaise Pascal, XII.djvu/88

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

du plan que l’Apologétique de Pascal devait remplir, si elle est l’affirmation de la religion vraie qui est selon saint Paul, comment expliquer que Montaigne lui-même pour son compte et dans sa vie ne se soit pas arrêté à la vérité qu’il fait apparaître comme le terme de sa réflexion ? comment a-t-il démenti par sa conduite l’enseignement de son œuvre ? Pascal ne s’y est pas trompé : la foi dont Montaigne fait profession, si elle n’est ni de commande ni de parade, n’est du moins que de surface. Vis-à-vis de l’Église dominante il garde l’attitude que les sages de la Grèce ont eue presque tous à l’égard des cultes païens ; il est respectueux et distant ; ou, pour prendre ses expressions, il demeure libre et délié. À l’épreuve décisive il se déclare enfin. Pour Montaigne la mort n’est pas l’aurore de la vie éternelle, elle est la fin de l’homme. Montaigne ne connaît pas l’angoisse du jugement ; il travaille seule ment à chasser la crainte et le tremblement, à demeurer nonchalant et voluptueux, homme enfin au sens où l’homme s’oppose au chrétien. Voilà pourquoi les Essais, si bienfaisants pour celui qui reçoit d’ailleurs la lumière, sont en eux-mêmes si inquiétants. Qui donc croira lorsque Montaigne, qui a si profondément jugé de toutes choses et de la religion même, ne croit pas, de la foi sincère et fervente qui renouvelle le cœur et qui transforme la vie ? Voilà pourquoi il faut s’armer des Essais contre Montaigne lui-même, lui reprocher d’avoir diminué comme à plaisir la portée de son œuvre en se complaisant dans l’étalage de son moi : « Le sot projet qu’il a de se peindre (fr. 62). » Voilà pourquoi il faut enfin redresser cet homme qui s’abat dans la conscience tranquille de sa faiblesse et de sa lâcheté, l’élever, avec le secours de Dieu, jusqu’à Dieu même.

Comment compléter Montaigne ? est-ce en remontant