Page:Œuvres de Blaise Pascal, XII.djvu/89

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

jusqu’à Raymond Sebon ? est-ce en descendant jusqu’à Charron ?

Si Montaigne avait donné à Pascal la curiosité de Raymond Sebon, il lui en avait aussi donné la défiance. L’Essai sur Raymond Sebon n’était pas fait pour prévenir Pascal en sa faveur ; l’expression même de Théologie naturelle devait lui apparaître comme une contradiction dans les termes, d’autant que Raymond Sebon n’est nullement suspect de relâcher quoi que ce soit de la rigueur du dogme pour l’accommoder aux exigences de la nature. L’influence de saint Augustin est évidente : définition de la justice et de la vérité par la volonté de Dieu, opposition de l’amour de Dieu et de l’amour de soi, nécessité de choisir entre la haine de Dieu et la haine de soi, subordination de la raison démonstrative à l’autorité de l’Écriture, Raymond Sebon a marqué ces points essentiels avec une netteté, à laquelle — plus d’un fragment des Pensées en témoignerait — Pascal n’a pas dû rester insensible. Mais alors le contraste n’en est que plus choquant entre la doctrine de Raymond Sebon, et sa méthode qui est faite tantôt de déductions abstraites et tantôt de comparaisons familières. La chute originelle est expliquée par l’exemple du vin qui peut se troubler à demi, ou bien se transformer en vinaigre, « ne retenant rien de son ancien goût, or… c’est d’un tel changement que nous sommes changés : nous ne sommes pas le vin trouble, mais le pur vinaigre[1]. » Raymond Sebon ne respecte pas plus le mystère de la Rédemption que celui de la Corruption. Il

  1. Signalons sans y insister une analogie médicale que Raymond Sebon développe avec quelque complaisance : « Le baptême vise d’en haut en bas comme purgeant par le dessous, et la pénitence de bas en haut, comme purgeant par le dessus. » (Cf. ch. 294.)