Page:Œuvres de C. Tillier - I.djvu/136

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— Ouais ! ne vous gênez pas, monsieur Rathery, fit Jean-Pierre qui entrait.

— Tiens ! tu étais là, toi, Jean-Pierre ? Est-ce que tu serais jaloux, par hasard ? Je te préviens que j’ai une aversion profonde pour les jaloux.

— Mais il me semble que j’en ai bien le droit, d’être jaloux.

— Imbécile ! tu prends toujours les choses à l’envers. Ces messieurs m’ont chargé de témoigner à ta femme leur satisfaction pour l’excellente matelote qu’elle nous a faite, et je m’acquittais de la commission.

— Vous aviez un bon moyen, ce me semble, de témoigner votre satisfaction à Manette, c’était de la payer, entendez-vous ?

— D’abord, Jean-Pierre, nous n’avons pas affaire à toi ; c’est Manette qui est ici la cabaretière ; quant à te payer, sois tranquille, c’est moi qui me charge de l’écot ; tu sais qu’il n’y a rien à perdre avec moi ; et d’ailleurs, si tu as peur d’attendre trop longtemps, je vais te passer de suite mon épée au travers du corps. Cela te convient-il, Jean-Pierre ?

Et en disant cela, il sortit.

Benjamin jusqu’alors n’avait été que surexcité, il renfermait tous les éléments de l’ivresse sans être encore ivre. Mais, en sortant du cabaret de Manette, le froid le saisit au cerveau et aux jambes.

— Holà ! eh ! Machecourt, où es-tu ?

— Me voici qui te tiens par le revers de ton habit.

— Tu me tiens, c’est bien, ça me fait honneur, c’est une flatterie que tu m’adresses. Tu veux me dire que je suis en état de soutenir mon hypostase et la tienne. Dans un autre temps, oui ; mais maintenant je suis faible comme le vulgaire des hommes quand il a dîné trop longtemps. Je t’ai retenu ton bras, je te somme de venir me l’offrir.