Page:Œuvres de C. Tillier - I.djvu/137

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— Dans un autre temps, oui, dit Machecourt ; mais il y a une difficulté, c’est que je ne puis marcher moi-même.

— Alors, tu as forfait à l’honneur, tu as manqué au plus sacré des devoirs ; je t’avais retenu ton bras, tu devais te ménager pour nous deux ; mais je te pardonne ta faiblesse, Homo sum…, c’est-à-dire, je te la pardonne à une condition : c’est que tu vas m’aller chercher de suite le garde-champêtre et deux paysans portant des flambeaux pour me reconduire à Clamecy. Tu prendras un bras de l’officier rural, et moi l’autre.

— Mais il est manchot, l’officier rural, dit mon grand-père.

— Alors, le bras valide m’appartient ; tout ce que je puis faire pour toi, c’est de te permettre de te tenir à ma queue, et tu prendras garde de défaire le ruban. Si cela t’arrange mieux, monte sur le dos du caniche.

— Messieurs, dit le sergent, pourquoi chercher si loin ce qui est tout près de vous ? Moi j’ai deux bons bras que le boulet a heureusement épargnés, je les mets à votre disposition.

— Vous êtes un brave homme, sergent, dit mon oncle prenant le bras droit du vieux soldat.

— Un excellent homme, dit mon grand-père prenant le bras gauche.

— Je me charge de votre avenir, sergent.

— Et moi aussi, sergent, je m’en charge, quoique, à vrai dire, toute charge dans ce moment-ci…

— Je vous apprendrai à arracher les dents, sergent.

— Et moi, sergent, j’enseignerai à votre caniche à être garnisaire.

— Dans trois mois, vous serez dans le cas de courir les foires.