Page:Œuvres de C. Tillier - I.djvu/176

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che ; on dirait qu’il n’a fait toute sa vie que de passer et repasser sous la ligne ; vous le prendriez pour le bonhomme Tropique en personne ; avec cela il est sec comme un vieil os brûlé ; nous dirons que c’est un sujet dont nous avons extrait la graisse pour composer nos pommades ; cela se placera mieux que la graisse d’ours ; ou bien nous le ferons passer pour un vieillard nubien de cent quarante ans, qui aura prolongé ses jours jusqu’à cet âge extraordinaire avec un élixir de longue vie, dont il nous aura transmis le secret moyennant une pension viagère. Or, ce précieux élixir, nous le vendrons pour la bagatelle de quinze sous la fiole. Ce ne sera pas la peine de s’en passer.

— Fichtre ! dit M. Minxit, je vois que tu entends la médecine à grand orchestre ; envoie-moi ton homme quand tu voudras, je le prends à mon service, soit comme Nubien, soit comme vieillard desséché.

En ce moment, un domestique entra dans la salle, tout effaré, et dit à mon oncle qu’il y avait une vingtaine de femmes qui arrachaient la queue de son âne, et que, comme il avait voulu les disperser à coups de fouet, elles avaient failli le mettre en pièces avec le tranchant de leurs ongles.

— Je vois ce que c’est, dit mon oncle éclatant de rire : elles arrachent les crins de l’âne de la Sainte-Vierge, pour faire des reliques.

M. Minxit voulut qu’on lui expliquât l’affaire.

— Messieurs, s’écria-t-il, quand mon oncle eut terminé son récit, nous sommes des impies si nous n’adorons Benjamin, pasteur ; il faut que vous en fassiez un saint.

— Je proteste, dit Benjamin ; je ne veux pas aller en paradis, car je n’y rencontrerais aucun de vous.

— Oui, riez, messieurs, dit ma grand’mère, après avoir ri elle-