Page:Œuvres de C. Tillier - I.djvu/195

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— Si tu me salues le premier, je te saluerai le second, dit Benjamin.

— Et c’est là ton dernier mot.

— Oui.

— Tu as bien réfléchi à ce que tu fais ?

— Écoute, dit mon oncle ; je veux avoir de la déférence pour ton titre et te prouver combien je suis coulant en tout ce qui concerne l’étiquette.

Alors, il tira un gros sou de sa poche, et, le faisant tourner en l’air :

— Demande pile ou face, dit-il au marquis, gentilhomme ou médecin, celui que le sort désignera saluera le premier, il n’y aura pas à y revenir.

— Insolent ! dit le gros intendant joufflu, ne voyez-vous pas que vous manquez de respect à monseigneur de la manière la plus scandaleuse ? Si j’étais à sa place, il y a longtemps que je vous aurais bâtonné.

— Mon ami, répondit Benjamin, mêlez-vous de vos chiffres. Votre seigneur vous paie pour le voler et non pour lui donner des conseils.

En ce moment un garde-chasse passa derrière mon oncle, et d’un revers de main lui enleva son tricorne, qui tomba dans la boue. Benjamin était d’une force musculaire peu commune ; il se retourne, le garde avait encore aux lèvres le gros sourire qu’y avait fait épanouir son espièglerie. Mon oncle, d’un coup de son poing de fer, envoie l’homme à banderolle moitié dans le fossé, moitié dans la haie qui bordait la route. Les camarades de celui-ci voulaient le tirer de la position amphibie dans laquelle il se trouvait engagé, mais M. de Cambyse s’y opposa. – Il faut, dit-il, que le drôle apprenne que le droit d’insolence n’appartient pas aux vilains.

Au fait, je ne conçois pas mon oncle, ordinairement si philosophe, de n’avoir point cédé de bonne grâce à la nécessité. Je sais