Page:Œuvres de C. Tillier - I.djvu/211

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de refuser. Mais il réfléchit que cette circonstance pouvait favoriser ses projets de vengeance, et il se décida à suivre le domestique.

Celui-ci l’introduisit dans la chambre du marquis. M. de Cambyse était dans son fauteuil, la tête appuyée sur ses mains, les coudes sur ses genoux, et il semblait en proie à une violente inquiétude. La marquise, jolie brune de vingt-cinq ans, se tenait à côté de lui et cherchait à le rassurer. À l’arrivée de mon oncle, le marquis leva la tête et lui dit :

— J’ai avalé en dînant une arête qui s’est clouée à mon gosier ; j’ai su que vous étiez dans le village et je vous ai fait appeler, quoique je n’aie pas l’honneur de vous connaître, persuadé que vous ne me refuseriez pas votre secours.

— Nous le devons à tout le monde, répondit mon oncle avec un sang-froid glacial ; aux riches aussi bien qu’aux pauvres, aux gentilshommes aussi bien qu’aux paysans, au méchant aussi bien qu’au juste.

— Cet homme m’effraye, dit le marquis à sa femme, faites-le sortir.

— Mais, dit la marquise, vous savez bien qu’aucun médecin ne veut se hasarder à venir au château ; puisque vous avez celui-ci, sachez au moins le garder.

Le marquis se rendit à cet avis. Benjamin examina la gorge du malade et secoua la tête d’un air d’inquiétude. Le marquis pâlit.

— Qu’est-ce donc, dit-il, le mal serait-il encore plus grave que nous ne l’aurions cru ?

— Je ne sais ce que vous avez cru, répondit Benjamin d’une voix solennelle, mais le mal serait en effet très grave, si l’on ne prenait de suite les mesures nécessaires pour le combattre. Vous avez avalé une arête de saumon, et c’est une arête de la queue, là où elles sont le plus vénéneuses.