Page:Œuvres de C. Tillier - I.djvu/212

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— Cela est vrai, dit la marquise étonnée ; mais comment avez-vous découvert cela ?

— Par l’inspection de la gorge, madame.

Le fait est qu’il l’avait reconnu par un moyen tout naturel : en passant devant la salle à manger dont la porte était ouverte, il avait vu sur la table un saumon dont le tronçon de la queue avait seul été enlevé, et il en avait conclu que c’était à la queue de ce poisson qu’avait appartenu l’arête avalée.

— Nous n’avons jamais ouï dire, fit le marquis d’une voix tremblante d’effroi, que les arêtes de saumon fussent vénéneuses.

— Cela n’empêche pas qu’elles le soient beaucoup, dit Benjamin, et je serais fâché que madame la marquise en doutât, car je serais obligé de la contredire. Les arêtes du saumon contiennent, comme les feuilles du mancenillier, une substance si âcre, si corrosive, que si cette arête restait une demi-heure de plus dans le gosier de M. le marquis, elle produirait une inflammation dont je ne pourrais me rendre maître, et l’opération deviendrait impossible.

— En ce cas, docteur, opérez donc de suite, je vous supplie, dit le marquis, de plus en plus effrayé.

— Un instant, dit mon oncle : la chose ne peut aller si vite que vous le désirez ; il y a une petite formalité à remplir.

— Remplissez-la donc bien vite et commencez.

— C’est que cette formalité vous regarde ; c’est vous seul qui devez l’accomplir.

— Dis-moi donc au moins en quoi elle consiste, chirurgien de malheur ! veux-tu me laisser mourir là faute d’agir ?

— J’hésite encore, poursuivit Benjamin avec lenteur. Comment hasarder une proposition comme celle que j’ai à vous faire ? Avec