Page:Œuvres de C. Tillier - I.djvu/216

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entre les mains du marquis. Tandis que celui-ci l’examinait avec curiosité :

— Il faut, dit-il, que je vous donne de l’air ; il ouvrit une fenêtre, s’élança dans la cour, et, en deux ou trois enjambées de ses grandes jambes, il eut gagné la porte cochère. Tandis qu’il descendait en courant la montagne, le marquis était à une fenêtre qui s’écriait :

— Arrêtez, monsieur Benjamin Rathery, de grâce, venez recevoir mes remerciements et ceux de Mme la marquise ; il faut bien que je vous paie votre opération.

Mais Benjamin n’était pas homme à se laisser prendre à ces belles paroles. Au bas de la colline il rencontra le coureur du marquis.

— Landry, lui dit-il, mes compliments à Mme la marquise, et rassurez M. de Cambyse à l’égard des arêtes de saumon ; elles ne sont pas plus vénéneuses que celles du brochet ; seulement il ne faut pas les avaler. Qu’il se tienne la gorge enveloppée d’un cataplasme, et dans deux ou trois jours il sera guéri.

Aussitôt que mon oncle fut hors des atteintes du marquis, il tourna à droite, traversa la prairie de Flez, avec les mille ruisselets dont elle est entrecoupée, et se rendit à Corvol. Il voulait régaler M. Minxit de la primeur de son expédition ; il l’aperçut de loin qui était devant sa porte, et, agitant son mouchoir en signe de triomphe :

— Nous sommes vengés ! s’écria-t-il.

Le bonhomme accourut au-devant de lui, de toute la vitesse de ses grosses et courtes jambes, et se jeta dans ses bras avec la même effusion que s’il eût été son fils ; mon oncle dit même avoir vu couler sur ses joues deux grosses larmes qu’il cherchait à escamo-