Page:Œuvres de C. Tillier - I.djvu/229

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— Vingt-cinq francs, dit Page.

— Je n’ai que vingt francs ; s’il veut le donner pour vingt francs, c’est un marché conclu. Alors nous goûterions à crédit.

— C’est vingt-cinq francs à prendre ou à laisser. Vingt-cinq francs pour retirer une pauvre orpheline de la misère et la préserver du vice, tu conviendras que cela n’est pas trop.

— Mais si tu avais cinq francs, toi, Page, reprit mon oncle, nous l’achèterions à nous deux.

— Hélas ! dit Page, il y a bien quinze jours que je n’ai vu un pauvre écu de six francs. Je crois que le numéraire a peur de M. de Calonne ; il se retire…

— Ce n’est toujours pas chez les médecins, dit mon oncle. Ainsi, il ne faut plus penser à ton quartaut.

Pour toute réponse, Page poussa un gros soupir.

En ce moment arriva ma grand’mère, portant comme un Enfant-Jésus, un gros rouleau de toile entre ses bras. Elle posa sa toile avec enthousiasme sur les genoux de mon oncle.

— Tiens, Benjamin, lui dit-elle, je viens de faire un superbe marché ; j’ai avisé cette toile ce matin en faisant un tour de foire. Tu as besoin de chemises et j’ai jugé qu’elle te convenait. Mme Avril en donnait soixante-quinze francs ; elle a laissé partir le marchand, mais j’ai bien vu à la manière dont elle le reluquait qu’elle avait l’intention de le rappeler. Voyons votre toile, ai-je dit de suite au paysan. Je lui ai donné quatre-vingts francs ; je ne croyais pas qu’il me la laisserait pour le prix ; la toile vaut cent vingt francs comme un liard, et Mme Avril est furieuse contre moi de ce que je suis allée sur son marché.

— Et cette toile, s’écria mon oncle, vous l’avez achetée, achetée ?