Page:Œuvres de C. Tillier - I.djvu/228

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trop fort, jamais on ne s’est moqué plus insolemment d’un créancier. Demain matin, vous aurez de mes nouvelles, monsieur Rathery.

— Tant mieux, monsieur Bonteint, je serai toujours charmé d’apprendre que vous êtes en bonne santé. À propos, hé ! monsieur Bonteint, et vos rubans de queue que vous oubliez !

Comme Bonteint sortait, entra l’avocat Page. Il trouva mon oncle qui riait aux éclats.

— Qu’as-tu donc fait à Bonteint ? lui dit-il, je viens de le rencontrer sur l’escalier, presque rouge de colère ; il était dans une crise si violente d’exaspération qu’il ne m’a pas salué en passant.

— Ce vieil imbécile, dit Benjamin, ne se fâche-t-il pas contre moi parce que je n’ai pas d’argent ! Comme si cela ne devait pas me contrarier plus que lui !

— Tu n’as pas d’argent, mon pauvre Benjamin ! tant pis, deux fois tant pis, car je venais te proposer un marché d’or.

— Propose toujours, dit Benjamin.

— C’est le vicaire Djhiarcos qui veut se défaire d’un quart de bourgogne dont une de ses béates lui a fait présent, parce qu’il a un catarrhe et que le docteur Arnout l’a mis à la tisane ; comme le régime sera long, il a peur que son vin ne se gâte. Il destine cet argent à mettre dans ses meubles une pauvre orpheline qui vient de perdre sa dernière tante. Ainsi, en même temps qu’un bon marché, c’est une bonne action que je te propose.

— Oui, dit Benjamin, mais sans argent, ce n’est pas chose facile à faire qu’une bonne action ; les bonnes actions sont chères et n’en fait pas qui veut. Cependant, quelle est ton opinion sur le vin ?

— Exquis, dit Page, faisant claquer sa langue contre son palais ; il m’en a fait goûter ; c’est du beaune de première qualité.

— Et combien le vertueux Djhiarcos en veut-il ?