Page:Œuvres de C. Tillier - I.djvu/252

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sœur, la première année de son mariage, avait eu une couche laborieuse qui avait mis sa vie en danger ; aussitôt le voilà qui se fond en deux gouttières de larmes.

— Hélas ! s’écriait-il d’une voix à réveiller toute la rue des Moulins, ma chère sœur va mourir, hélas ! elle va…

— Madame Lalande, s’écria ma grand’mère du fond de son lit, mettez-moi ce chien d’ivrogne à la porte.

— Retirez-vous, monsieur Rathery, dit Mme Lalande, il n’y a pas le moindre danger ; l’enfant se présente par les épaules et dans une heure votre sœur sera délivrée.

Mais Benjamin criait toujours : – Hélas ! elle va mourir, ma chère sœur.

Machecourt, voyant que la harangue de la sage-femme ne produisait aucun effet, crut devoir intervenir à son tour.

— Oui, Benjamin, mon ami, mon bon frère, l’enfant se présente par les épaules, fais-moi le plaisir d’aller te coucher, je t’en supplie.

Ainsi parla mon grand-père.

— Et toi, Machecourt, mon ami, mon bon frère, lui répondit mon oncle, je t’en supplie, fais-moi le plaisir d’aller…

Ma grand’mère, comprenant qu’elle ne pouvait compter sur un acte de rigueur de Machecourt à Benjamin, se décida à mettre elle-même celui-ci à la porte.

Mon oncle se laissa pousser dehors avec la docilité d’un mouton. Son parti fut bientôt pris : il se décida à aller coucher à côté de Page qui ronflait comme un soufflet de forge sur une des tables du Dauphin. Mais, en passant sur la place de l’église, l’idée lui vint de prier Dieu pour l’heureuse délivrance de sa chère sœur ; or, le temps s’était remis à la gelée comme de plus belle, et il faisait un