Page:Œuvres de C. Tillier - I.djvu/268

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— Ce n’est pas la peine, répondit mon oncle, car j’ai fini. Je pense donc, ajouta-t-il en précipitant ses syllabes l’une sur l’autre, qu’on ne peut saisir un homme de ma taille pour cinquante misérables écus.

— À votre compte, dit le bailli, la contrainte par corps ne pourrait s’exercer que sur un de vos bras, une de vos jambes, peut-être même sur votre queue.

— D’abord, répliqua mon oncle, je ferai observer à M. le bailli que ma queue n’est pas en cause, ensuite je n’ai pas la prétention que m’attribue M. le bailli : je suis né indivis, et je prétends rester indivis toute ma vie ; mais, comme le gage vaut au moins le double de la créance, je prie M. le bailli d’ordonner que la sentence par corps ne pourra être exécutée qu’après que Bonteint m’aura fourni trois autres habits rouges.

— Monsieur Rathery, vous n’êtes pas ici au cabaret, je vous prie de vous souvenir à qui vous parlez ; vos propos deviennent aussi inconsidérés que votre personne.

— Monsieur le bailli, répondit mon oncle, j’ai bonne mémoire et je sais très bien à qui je parle. J’ai été trop soigneusement élevé par ma chère sœur dans la crainte de Dieu et des gendarmes pour que je l’oublie. Quant au cabaret, puisqu’il est ici question de cabaret, il est trop apprécié des honnêtes gens pour qu’il ait besoin que je le réhabilite. Si nous allons au cabaret, nous, c’est que, quand nous avons soif, nous n’avons pas le privilège de nous rafraîchir aux frais de la ville. Le cabaret, c’est la cave de ceux qui n’en ont point ; et la cave de ceux qui en ont une, ce n’est autre chose qu’un cabaret sans bouchon. Il sied mal à ceux qui boivent une bouteille de bourgogne et autre chose à leur dîner, de vilipender le pauvre diable qui se régale par-ci par-là au cabaret d’une pinte de Croix-Pataux. Ces orgies officielles où l’on s’enivre en portant des toasts au roi et au duc de Nivernais, c’est tout simplement, et euphonie à