Page:Œuvres de C. Tillier - I.djvu/269

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

part, ce que le peuple appelle une ribote. S’enivrer à sa table, c’est plus décent, mais se griser au cabaret c’est plus noble et, surtout, plus profitable au trésor. Pour la considération qui s’attache à ma personne, elle est moins étendue que celle que peut revendiquer M. le bailli pour la sienne, attendu que moi je ne suis considéré que des honnêtes gens. Mais…

— Monsieur Rathery ! s’écriait le bailli, ne trouvant point, aux épigrammes dont le harcelait mon oncle, de réponse meilleure et plus facile, vous êtes un insolent !

— Soit, répliqua Benjamin, secouant un fétu qui s’était attaché au revers de son habit ; mais je dois en conscience prévenir monsieur le bailli que je me suis renfermé ce matin dans les bornes de la plus stricte tempérance : qu’ainsi, s’il cherchait à me faire sortir du respect que je dois à sa robe, il en serait pour ses frais de provocation.

— Monsieur Rathery, fit le bailli, vos allusions sont injurieuses à la justice, je vous condamne à trente sous d’amende.

— Voilà trois francs, dit mon oncle, mettant un petit écu sur la table verte du juge, payez-vous.

— Monsieur Rathery ! s’écria le bailli exaspéré, sortez.

— Monsieur le bailli, j’ai l’honneur de vous saluer ; mes compliments à Mme la baillive, s’il vous plaît.

— Quarante sous d’amende de plus ! hurla le juge.

— Comment ! dit mon oncle, quarante sous d’amende parce que je présente mes compliments à Mme la baillive ?… Et il sortit.

— Ce diable d’homme, disait le soir M. le bailli à sa femme, jamais je ne me serais imaginé qu’il fût si modéré. Mais qu’il se tienne bien ! j’ai lâché contre lui une contrainte par corps, et je parlerai à Bonteint pour qu’il la fasse exécuter de suite. Il apprendra