Page:Œuvres de C. Tillier - I.djvu/278

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— Sais-tu bien, Benjamin, interrompit Page, que nous nous sommes cotisés pour te tirer d’ici ; mais, comme nous ne sommes pas en argent comptant, nous faisons comme si l’argent n’était pas inventé, nous donnons à Bonteint nos services respectifs, chacun selon sa profession. Moi, je lui plaiderai sa première affaire ; Parlanta lui griffonnera deux assignations ; Arthus lui fera son testament ; Rapin lui donnera deux ou trois consultations qui lui coûteront plus cher qu’il ne pense ; Guillerand donnera, tant bien que mal, des leçons de grammaire à ses enfants ; Rataut, qui n’est rien, attendu qu’il est poète, s’engage sur l’honneur à acheter chez lui tous les habits dont il aura besoin pendant deux ans, ce qui, selon moi et lui, ne l’engage pas à grand chose.

— Et Bonteint accepte-t-il ? fit Benjamin.

— Comment, dit Page, s’il accepte ! il reçoit des valeurs pour plus de cinq cents francs. C’est Rapin qui a arrangé cette affaire hier avec lui ; il n’y a plus qu’à rédiger les conditions.

— Eh bien ! dit mon oncle, je veux prendre ma part de cette bonne action ; je m’engage, moi, à le traiter, sans mémoire aucun, des deux premières maladies qui lui viendront. Si je le tue de la première, sa femme aura la survivance pour la seconde ; quant à toi, Machecourt, je te permets de souscrire pour un broc de vin blanc.

Pendant ce temps-là, Arthus avait fait dresser la table chez le geôlier. Il tirait lui-même de leur hotte ses plats, qui s’étaient un peu transvasés les uns dans les autres, et il les mettait dans leur ordre et place sur la table.

Quand tout fut arrangé à sa fantaisie :

— Allons, s’écria-t-il, à table, et trêve de bavardage, je n’aime pas être dérangé quand je mange, vous aurez tout le temps de jaser au dessert.