Page:Œuvres de C. Tillier - I.djvu/291

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attelée de quatre chevaux. Les habitants du faubourg de Beuvron s’étaient mis, leur chandelle à la main, sur le seuil de leurs portes, pour les voir passer, et c’était en effet un phénomène plus curieux que celui d’une éclipse. Arthus chantait : Aussitôt que la lumière ; Guillerand, Malbrough s’en va-t’en guerre ; et le poète Millot, qu’on avait attaché à une ridelle de la voiture parce qu’il ne paraissait pas très solide, entonnait son grand Noël. M. Minxit s’était piqué d’une magnificence extraordinaire ; il donna à ses convives un souper mémorable et dont on parle encore à Corvol. Malheureusement, il avait tellement prodigué les rasades, que, dès le second service, ses hôtes ne pouvaient plus lever leur verre. Benjamin arriva sur ces entrefaites : il était harassé de fatigue et d’une humeur à tout massacrer, car son malade lui était passé entre les mains, et il était tombé deux fois en route. Mais il n’était chez lui ni chagrins ni contrariétés qui tinssent pied devant une nappe bien blanche et parée de bouteilles : il se mit donc à table comme si de rien n’eût été.

— Tes amis, lui dit M. Minxit, sont des mazettes ; pour des huissiers, des fabricants et des maîtres d’école, je les aurais crus plus solides ; je n’aurai pas la satisfaction de leur offrir du champagne. Tiens, voici Machecourt qui ne te reconnaît plus, et Guillerand qui présente à Arthus sa tabatière au lieu de son verre.

— Que voulez-vous, répondit Benjamin, tout le monde n’est pas de votre force, monsieur Minxit.

— Oui, répliqua le brave homme, flatté du compliment, mais qu’allons-nous faire de tous ces poulets mouillés ? Je n’ai pas de lit pour eux tous, et ils sont hors d’état de pouvoir retourner ce soir à Clamecy.

— Parbleu ! vous voilà bien embarrassé, dit mon oncle ; qu’on étende de la paille dans votre grange, et au fur et à mesure qu’ils s’endormiront vous les ferez porter sur cette litière ; on les couvrira,