Page:Œuvres de C. Tillier - I.djvu/293

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Or, M. de Pont-Cassé, dans la confidence duquel nous avons mis nos lecteurs, n’aurait pas été fâché de réparer les avaries qu’avait éprouvées sa fortune avec celle de M. Minxit, et il flairait Arabelle, bien qu’il dît souvent à son ami que c’était un insecte né dans l’urine. Celle-ci s’était laissé piper par l’extravagance de ses belles manières ; elle le trouvait bien plus beau avec ses plumes fanées, et bien plus aimable avec son fatras de cour, que mon oncle avec son esprit sans prétention et son habit rouge. Mais M. Minxit, qui était un homme non seulement d’esprit, mais de bon sens, n’était pas du tout de cet avis ; M. de Pont-Cassé eût été colonel, qu’il ne lui eût point donné sa fille. Il avait retenu Benjamin à dîner afin qu’Arabelle pût établir entre ses deux adorateurs une comparaison qu’il croyait ne devoir pas être à l’avantage du mousquetaire, et aussi parce qu’il comptait sur mon oncle pour effacer le clinquant des deux gentilshommes et mortifier leur orgueil.

Benjamin, en attendant le dîner, alla faire un tour dans le village. En sortant de chez M. Minxit, il avisa une paire d’officiers qui tenaient le haut de la rue et ne se seraient pas dérangés pour une malle-poste, ce dont les paysans étaient fort ébahis. Mon oncle n’était pas homme à se préoccuper de si peu ; cependant en passant près d’eux, il ouït très distinctement l’un des hobereaux qui disait à son compagnon : « Tiens, voici le drôle qui prétend épouser Mlle Minxit. » Mon oncle eut un instant envie de leur demander pourquoi ils le trouvaient si drôle, mais il réfléchit qu’il serait peu séant, quoiqu’il se souciât assez ordinairement fort peu des bienséances, de se donner en spectacle aux habitants de Corvol. Il fit donc comme s’il n’avait rien entendu, et entra chez son ami le tabellion.

— Je viens, lui dit-il, de rencontrer dans la rue deux espèces de