Page:Œuvres de C. Tillier - I.djvu/314

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

qu’il prétendait coucher à la droite du lit, et que moi je prétendais qu’il devait prendre la gauche. Pour me débarrasser de lui, j’ai été obligé de l’envoyer à l’hôpital.

— Vous avez très bien fait, sergent, dit mon oncle ; quand les gens ne savent pas vivre ici-bas, on les envoie à perpétuité dans l’autre monde.

— Il y a bien quelque chose de bon dans ce que vient de dire le sergent, fit M. Minxit. Être aimé, c’est plus qu’être riche, car c’est être heureux ; aussi je ne désapprouve point tes scrupules, mon cher Benjamin. Tout ce que je réclame de toi, c’est que tu continues comme par le passé à venir à Corvol. Parce que tu ne veux pas être mon gendre, ce n’est pas une raison pour que tu cesses d’être mon ami. Tu ne seras plus obligé de filer le parfait amour avec Arabelle, de tirer de l’eau pour arroser ses fleurs, de t’extasier sur les manchettes qu’elle me brode et sur la supériorité de ses fromages à la crème. Nous déjeunerons, nous dînerons, nous philosopherons, nous rirons ; c’est un passe-temps qui en vaut bien un autre. Tu aimes les truffes, j’en parfumerai toute mon office ; tu as une prédilection pour le volnay, prédilection que du reste je ne partage point, j’en aurai toujours dans ma cave ; s’il te prend la fantaisie de chasser, je t’achèterai un fusil à deux coups et une paire de lévriers. Je ne donne pas trois mois à Arabelle pour se dégoûter de son gentilhomme et pour t’aimer à la folie. Acceptes-tu ou n’acceptes-tu pas ? Réponds-moi par oui ou non. Tu sais que je n’aime point les doreurs de phrases.

— Eh bien, oui, monsieur Minxit, fit mon oncle.

— Très bien, je n’attendais pas moins de ton amitié. Et maintenant, tu te bats en duel ?

— Qui diable a pu vous dire cela ? s’écria mon oncle. Je sais que les urines n’ont rien de caché pour vous, est-ce que vous auriez à mon insu consulté mes urines ?