Page:Œuvres de C. Tillier - I.djvu/331

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— Mais tu es en chemise, lui dit M. Minxit.

— C’est parbleu vrai, dit Benjamin, je n’y songeais plus ; il fait si noir, que je ne m’en suis pas aperçu ; mais dans cinq minutes je serai habillé, et dans vingt minutes je serai au Lion d’Or ; je dirai adieu à ma chère sœur quand je serai revenu de notre voyage.

Une heure après, mon oncle et M. Minxit suivaient, dans une mauvaise patache attelée de deux haridelles, l’exécrable chemin de traverse qui menait alors de Clamecy à Auxerre. Le jour, l’hiver passe encore ; mais la nuit, il est horrible. Quelque diligence qu’ils eussent faite, il était dix heures du matin lorsqu’ils arrivèrent à Courson. Sous le porche de la Levrette, l’unique auberge de l’endroit, un cercueil était étalé, et tout un essaim de vieilles, hideuses et déguenillées, croassaient alentour.

— Je tiens du sacristain Gobi, disait l’une, que la jeune dame s’est engagée à donner mille écus à M. le curé, pour être distribués aux pauvres de la paroisse.

— Cela nous passera devant le nez, mère Simonne.

— Si la jeune dame meurt, comme on le dit, le maître de la Levrette s’emparera de tout, répondait une troisième ; nous ferions bien d’aller chercher le bailli pour qu’il veille sur notre succession.

Mon oncle appela une de ces vieilles et la pria de lui expliquer ce que cela signifiait. Celle-ci, fière d’avoir été distinguée par un étranger qui avait une voiture à deux chevaux, jeta un regard de triomphe à ses compagnes, et dit :

— Vous avez bien fait de vous adresser à moi, mon bon monsieur, car je sais mieux qu’elles tous les détails de cette histoire. Celui qui est maintenant dans ce cercueil était ce matin dans cette voiture verte que vous voyez là-bas sous la remise. C’était un grand seigneur, riche à millions, qui allait avec une jeune dame à Paris, à la cour ; que sais-je, moi, et il s’est arrêté ici, et il restera