Page:Œuvres de C. Tillier - I.djvu/334

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que j’entends, et suis-je encore à Corvol, dans la maison de mon père ?

— Vous n’êtes point dans la maison de votre père, dit mon oncle ; mais votre père est ici. Il est prêt à vous pardonner ; il ne vous demande qu’une chose, c’est que vous vous laissiez vivre afin qu’il vive aussi.

Les regards d’Arabelle s’arrêtèrent par hasard sur l’uniforme de M. de Pont-Cassé, qu’on avait suspendu, encore trempé de sang, à la muraille. Elle essaya de se mettre sur son séant, mais ses membres se tordirent dans une horrible convulsion, et elle retomba lourdement sur son lit comme un cadavre qu’on a soulevé dans son cercueil. Benjamin mit la main sur son cœur, il ne battait plus ; il approcha un miroir de ses lèvres, la glace resta nette et brillante. Misère et bonheur, tout était fini pour la pauvre Arabelle. Benjamin restait debout à son chevet, tenant sa main dans la sienne et plongé dans un abîme d’amères réflexions.

En ce moment un pas lourd et mal assuré se fit entendre dans l’escalier. Benjamin se hâta de tourner la clé dans la serrure. C’était M. Minxit qui frappait à la porte et s’écriait :

— C’est moi, Benjamin, ouvre-moi ; je veux voir ma fille, il faut que je la voie ! Elle ne peut mourir sans que je l’aie vue.

C’est une cruelle chose que de supposer vivante une personne trépassée et de lui attribuer des actes comme si elle existait encore. Cependant, mon oncle ne recula point devant cette nécessité.

— Retirez-vous, monsieur Minxit, je vous en supplie. Arabelle va mieux ; elle repose ; votre présence subite pourrait provoquer une crise qui la tuerait.

— Je te dis, misérable, que je veux voir ma fille ! s’écria M. Minxit, et il fit un si violent effort contre la porte que la gâche de la serrure tomba sur le carreau.