Page:Œuvres de C. Tillier - I.djvu/333

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— Et ce grand seigneur, dit mon oncle, n’avait-il pas un habit rouge, une perruque blonde et trois plumes à son chapeau ?

— Il avait bien tout cela, mon bon monsieur ; est-ce que vous l’auriez connu, par hasard ?

— Non, dit mon oncle, mais je l’ai peut-être vu en quelque endroit.

— Et la jeune dame, dit M. Minxit, n’est-elle pas de haute taille, et n’a-t-elle pas des taches de rousseur par la figure ?

— Elle a bien cinq pieds trois pouces, répondit la vieille, elle a une peau comme la coquille d’un œuf de dinde.

M. Minxit s’évanouit.

Benjamin emporta M. Minxit dans son lit et le soigna ; puis il se fit conduire auprès d’Arabelle ; car la belle dame qui devait mourir dans les douleurs de l’enfantement, c’était la fille de M. Minxit. Elle occupait la chambre que son amant lui avait conquise au prix de sa vie, triste chambre en vérité ! et dont la possession ne valait guère la peine qu’on se la disputât.

Arabelle était là gisant dans un lit de serge verte. Mon oncle ouvrit les rideaux et la contempla quelque temps en silence. Une pâleur humide et mate, semblable à celle d’une statue de marbre blanc, était répandue sur son visage ; ses yeux à demi ouverts étaient fanés et sans regard ; sa respiration s’arrachait par sanglots de sa poitrine. Benjamin souleva son bras qui pendait immobile le long du lit ; ayant interrogé les battements de son pouls, il secoua tristement la tête et ordonna à la garde d’aller quérir le docteur Débrit. Arabelle à sa voix, tressaillit comme un cadavre qui éprouve les premières atteintes du galvanisme.

— Où suis-je ? dit-elle, promenant autour d’elle un regard en démence ; ai-je donc été le jouet d’un sinistre rêve ? Est-ce vous, monsieur Rathery,