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Page:Œuvres de C. Tillier - I.djvu/346

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On était arrivé au dessert. M. Minxit fit faire un punch et mit dans son verre quelques gouttes de la liqueur enflammée.

— Cela vous fera du mal, monsieur Minxit, lui dit Machecourt.

— Et quelle chose peut maintenant me faire du mal, mon bon Machecourt ? il faut bien que je fasse mes adieux à tout ce qui m’a été cher dans la vie.

Cependant, ses forces diminuaient rapidement, et il ne pouvait plus s’exprimer qu’à voix basse.

— Vous savez, messieurs, dit-il, que c’est à mon enterrement que je vous ai conviés ; je vous ai fait préparer à tous des lits, afin que vous vous trouviez tout prêts demain matin à me conduire à ma dernière demeure. Je ne veux point que ma mort soit pleurée ; au lieu de crêpes, vous porterez une rose à votre habit, et, après l’avoir trempée dans un verre de champagne, vous l’effeuillerez sur ma tombe ; c’est la guérison d’un malade, c’est la délivrance d’un captif que vous célébrez. Et, à propos, ajouta-t-il, qui de vous se charge de mon oraison funèbre ?

— Ce sera Page, dirent quelques-uns.

— Non, répondit M. Minxit ; Page est avocat, et il faut dire la vérité sur les tombes. Je préférerais que ce fût Benjamin.

— Moi ? dit mon oncle ; vous savez bien que je ne suis pas orateur.

— Tu l’es assez pour moi, répondit M. Minxit. Voyons, parle-moi comme si j’étais couché dans mon cercueil ; je serais bien aise d’entendre vivant ce que dira de moi la postérité.

— Ma foi, dit Benjamin, je ne sais trop ce que je vais dire.