Page:Œuvres de C. Tillier - I.djvu/61

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me suis fait l’exécuteur des colères de la société, et il faut que ma tâche s’accomplisse. »

Et, enfin, pour connaître toute sa tendresse de cœur, faut-il l’avoir surpris consolant, rassurant, trompant sa mère, pieuse fraude ! la trompant avec un sourire qui cache des larmes, quand on lit cette dernière page si navrante, si remplie de sollicitude, d’affection et d’amour :

« Ma mère est à côté de mon fauteuil de malade ; elle est sourde, la pauvre femme, et nous ne pouvons guère nous faire entendre ; mais elle est là qui m’enveloppe de tous ses regards, qui cherche à deviner dans mes yeux ce que je désire, et dans le moindre pli de mon front ce qui me déplait ; elle a quitté l’autre moitié de sa famille, celle qui n’a pas besoin d’elle, pour prendre sa part de mon agonie. Les soins qu’elle avait donnés à mon enfance, elle les prodigue à ma précoce vieillesse. Elle a déjà vu mourir un fils, et elle vient encore me prêter l’appui de son bras pour me faire descendre plus doucement les pentes de la vie…

« Pauvre mère ! de quelle lourde main Dieu vous a-t-il donc mesuré les larmes qu’il a mises sous votre paupière !… Dieu ne serait-il donc point juste envers les mères ? Un fils ne peut enterrer qu’une fois sa mère ; mais une mère, de combien de fils souvent ne porte-t-elle pas le deuil !… Suis-je au moins le dernier enfant qu’elle enterrera ? lui en restera-t-il un dernier pour lui fermer les yeux et mêler à nos os ses chères dépouilles ? est-elle destinée à emporter la clé de notre chétive maison ?…

« Oh ! combien je suis moins à plaindre qu’elle !… Je meurs.