plantes que file la Nature, tombant du haut d’un vieux mur, m’ont souvent fait rêver et jeté dans un doux état d’esprit que je ne saurais définir. C’est qu’il y a dans ces herbes et dans ces plantes de la poésie ! Peignez-les telles qu’elles sont, d’un seul trait vous serez poète. Mais quelle que soit la poésie, faut-il donc absolument s’imposer, pour en faire, les mille gênes de la versification ? Si vous aviez à faire un travail pénible qui demandât de l’agilité, mettriez-vous une camisole de force ? La prose ne vous offre-t-elle point tout ce dont vous avez besoin ? n’a-t-elle point de phrases pour dire ce que vous voulez dire ? Avez-vous quelque pensée à laquelle elle ne puisse fournir des mots, et quelque caprice d’imagination qu’elle ne puisse contenter ? Si vous voulez des images, ne pouvez-vous faire des images aussi bien en vers qu’en prose ? Ne les rendez-vous pas plus facilement, plus nettement avec le secours de cette dernière qu’avec un vers où souvent vous voudriez mettre lion, et où il ne peut tenir que loup ; qui tantôt déborde de mots et tantôt n’en a pas assez ? Vous ressemblez tantôt à l’homme qui a beaucoup d’effets à emballer dans une petite malle, et tantôt à celui qui a une grande malle et qui n’a qu’une paire de chaussettes à mettre dedans. Quoi ! pauvre poète, on vous donne pour dessiner un crayon fin, léger, qui se prête à tous les traits, qui peut rendre toutes les nuances, et vous le jetez pour un gros crayon qui vous lasse la main à vous l’engourdir, tantôt marquant trop, tantôt pas assez ! Vous conviendrez que c’est là de la duperie ; et pourtant, presque tous ceux de nos jeunes gens qui ont la fantaisie d’écrire commencent par faire des vers. Aux étalages des libraires vous ne voyez qu’essais poétiques, premiers chants, nouvelle lyre ! C’est qu’il est plus facile de
faire des vers que de la prose
Faire des vers est un métier qui s’apprend, qui n’est même pas bien difficile à apprendre, et où avec de l’exercice on de-