Page:Œuvres de C. Tillier - I.djvu/88

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ses pensum. Elle trinque à la cantine avec les vieux grenadiers ; et jamais elle ne chante si haut — quand on la laisse chanter toutefois — qu’entre les noires murailles où l’on renferme des malheureux.

Du reste, la gaîté du pauvre est une espèce d’orgueil. J’ai été pauvre entre entre les plus pauvres ; eh bien ! je trouvais du plaisir à dire à la fortune : Je ne me courberai pas sous ta main ; je mangerai mon pain dur aussi fièrement que le dictateur Fabricius mangeait ses raves ; je porterai ma misère comme les rois portent leur diadème ; frappe tant que tu voudras, frappe encore : je répondrai à tes flagellations par des sarcasmes ! je serai comme l’arbre qui fleurit quand on le coupe par le pied ; comme la colonne dont l’aigle de métal reluit au soleil tandis que la pioche est à sa base !

Chers lecteurs, soyez contents de ces explications, je ne saurais vous en fournir de plus raisonnables.

Quelle différence de cet âge avec le nôtre ! l’homme constitutionnel n’est pas rieur, tant s’en faut.

Il est hypocrite, avare et profondément égoïste ; à quelque question qu’il se heurte le front, son front sonne comme un tiroir plein de gros sous.

Il est prétentieux et bouffi de vanité ; l’épicier appelle le confiseur, son voisin, son honorable ami, et le confiseur prie l’épicier d’agréer l’assurance de la considération distinguée avec laquelle il a l’honneur d’être, etc., etc.

L’homme constitutionnel a la manie de vouloir se distinguer du peuple. Le père est en blouse de coton bleu, et le fils en manteau d’elbeuf. Aucun sacrifice ne coûte à l’homme constitutionnel pour assouvir sa manie de paraître quelque chose. Il veut ressembler aux bâtons flottants. Il vit de pain et d’eau ; il se passe de feu en hiver, de bière en été, pour avoir un habit de drap fin, un gilet