de cachemire, des gants jaunes. Quand on le regarde comme un homme comme il faut, il se regarde, lui, comme un grand homme.
Il est guindé et compassé ; il ne crie point, il ne rit pas tout haut, il ne sait où cracher, il ne fait pas un geste qui dépasse l’autre. Il dit très bien : Bonjour monsieur, bonjour madame. Cela c’est de la bonne tenue ; or, qu’est-ce que la bonne tenue ? Un vernis menteur qu’on étale sur un morceau de bois afin de le faire passer pour un jonc. On se tient ainsi devant les dames, soit ; mais devant Dieu, comment faudra-t-il se tenir ?
Il est pédant ; il supplée à l’esprit qu’il n’a pas par le purisme du langage, comme une bonne ménagère supplée aux meubles qui lui manquent par l’ordre et la propreté.
Il est toujours au régime. S’il assiste à un banquet, il est muet et préoccupé ; il avale un bouchon pour un morceau de pain, et se sert de la crème pour de la sauce blanche. Il attend, pour boire, que l’on porte un toast. Il a toujours un journal dans sa poche ; il ne parle que de traités de commerce et de lignes de chemin de fer, et il ne rit qu’à la Chambre.
Mais, à l’époque où je vous ramène, les mœurs des petites villes n’étaient pas encore fardées d’élégance ; elles étaient pleines d’un charmant laisser-aller et d’une simplicité tout aimable. Le caractère de cet heureux âge, c’était l’insouciance. Tous ces hommes, navires ou coquilles de noix, s’abandonnaient, les yeux fermés, au courant de la vie, sans s’inquiéter où ils aborderaient.
Les bourgeois ne sollicitaient pas d’emplois ; ils ne thésaurisaient pas ; ils vivaient chez eux dans une joyeuse abondance, et dépensaient leurs revenus jusqu’au dernier louis. Les marchands, rares alors, s’enrichissaient lentement, sans y mettre beaucoup du leur, et par la seule force des choses ; les ouvriers travaillaient, non pour amasser, mais pour mettre les deux bouts l’un à côté de