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Page:Œuvres de C. Tillier - II.djvu/12

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en deux blanches nappes dans la fosse du pertuis. Le reste du fleuve passe par un joli biez qui côtoie la route. Son lit est net et sans roseaux ; mais sur ses rives croissent avec profusion ces hautes plantes amphibies qui ont la moitié de leurs racines dans l’eau et l’autre moitié dans la terre. Après avoir fait tourner un petit moulin caché tout entier sous deux ormes, il se hâte de rejoindre le lit maternel.

Rien n’est plus gracieux que l’îlot formé entre le biez et la rivière : l’Yonne semble le presser avec amour entre ses bras comme une mère tient son enfant ; vous diriez une branche fleurie au milieu d’un vase plein d’eau : ce ne sont que bouquets d’aulnes, de saules, de noisetiers, de peupliers d’Italie séparés entre eux par mille ruisselets qui débordent du biez. Si vous êtes deux, et que vous ayez de douces confidences à vous faire, n’allez pas vous réfugier sous cette verdure : d’abord, le boule-dogue du meunier pourrait vous mordre ; ensuite, toutes ces eaux qui coulent, qui tombent, qui se précipitent, qui causent ou crient entre les racines des arbres, tous ces oiseaux qui gazouillent et cet éternel bavard de moulin qui n’interromprait pas son tictac pour M. Dupin en personne, étoufferaient sur vos lèvres vos meilleures paroles.

Nous voici arrivés à Armes. Vous êtes sur la grande place du village. Si vous voulez parler à M. le maire, c’est ici qu’il demeure, ainsi que les gros personnages de l’endroit. Ces maisons affectent un air d’importance comme leurs maîtres ; car, tel maître, telle maison, aussi bien que tel maître, tel valet. Beaucoup ont des balcons, et quelques-unes sont décorées de l’aristocratique persienne.

Avez-vous soif ? voilà une grosse source qui jaillit à l’extrémité de la place. Cette eau ne vaut pas du bourgogne assurément ; mais elle est renommée à plusieurs kilomètres à la ronde pour sa limpidité, et vous ne sauriez en boire de plus fraîche. Après s’être arrê-