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Page:Œuvres de C. Tillier - II.djvu/14

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maire et beaucoup d’autres l’appelaient monsieur Belle-Plante ; mais, comme il était fermier, les paysans disaient maître Belle-Plante tout court, à moins qu’ils n’eussent un service à lui demander.

Pour moi qui n’ai rien à demander à monsieur ou à maître Belle-Plante, comment dirai-je ? Je crois qu’il est prudent, avant de nous décider pour l’un ou pour l’autre de ces deux titres, d’examiner ce qu’ils valent respectivement. D’abord, le titre de monsieur, que signifie-t-il ? exprime-t-il, ainsi que semblerait l’indiquer le pronom possessif, une dépendance quelconque de celui qui le donne envers celui auquel il le confère ? Mais alors, pourquoi un maître appelle-t-il son valet monsieur, à moins qu’on ne dise que le maître est en maintes circonstances sous la dépendance du valet ? Indique-t-il une supériorité sociale ? Dans ce cas, comment se fait-il que le ministre donne à son cordonnier et à son tailleur le titre de monsieur ? Vient-il du mot senior, plus vieux, ainsi que le prétendent ceux qui hantent les glossaires et courent après les étymologies ? Mais d’où vient donc qu’un père appelle son fils monsieur quand il a déchiré sa culotte ou ses livres ? Ainsi le mot monsieur est atteint et convaincu de n’avoir pas le sens commun. C’est un grand imbécile qui ôte son chapeau à tout le monde, qui arrête tout le monde et qui n’a rien à leur dire. Il est réfractaire à toute définition. M. Napoléon Landais, tout Napoléon qu’il est, ne lui ferait pas signifier quelque chose. Je puis aussi bien dire monsieur mon cheval que monsieur mon tailleur, de même que mon tailleur peut aussi bien dire monsieur mon passe-carreau que monsieur le rédacteur de l’Association. Je vote pour qu’il soit exclus du dictionnaire. Je dirai donc maître Belle-Plante. Maintenant que cette difficulté est levée, nous pouvons entrer en matière.

Maître Belle-Plante avait à bail cinq à six métairies, ce qui ne l’empêchait pas d’exploiter de belles et bonnes terres qui lui ap-