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Page:Œuvres de C. Tillier - IV.djvu/15

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plus à y revenir. Nul n’a le droit de corriger sa parole. C’est lui qui a établi le Carême, et s’il l’a établi, c’est probablement pour que no’.is l’observions. Si M. Dufêtre pouvait, par un article de Mandement, annuler le Carême, il serait plus puissant que Dieu ; or, je crois qu’on peut, sans impiété, admettre le contraire.

Pour moi, voici comment je comprends le Carême : Si j’avais une paroisse à gouverner, je ne dirais pas, le mercredi des Cendres, à mes chrétiens, que l’Église ouvrira bientôt la carrière de la pénitence ; je leur dirais :

« Mes très chers frères. Dieu ordonne que vous jeûniez durant le Carême, et ni moi, ni d’autres n’avons le droit de vous en dispenser ; mais voici comment il veut que vous jeûniez : Les privations que vous devez vous imposer vont être pour vous un sujet d’économie ; car, enfin, si au lieu d’un poulet, vous ne mangez qu’une poignée de légumes secs à votre dîner, c’est l’argent d’un poulet qui restera entre vos mains. Or, n’allez pas serrer précieusement cet argent dans votre secrétaire, et dire : de cette pièce de monnaie et des autres que je mettrai à côté, je m’achèterai un habit neuf à Pâques, ou je rembourserai les cent francs que je redois sur mon champ ; ou bien encore, je donnerai, à mes amis et à mes parents, un grand dîner dans lequel on boira beaucoup de bordeaux et de Champagne… votre jeûne serait comme non avenu aux yeux du maître. Peu lui importe, à lui, que vous vous torturiez les entrailles pendant quarante jours, si les privations que vous vous imposez vous reviennent plus tard en jouissances. Ce que vous ôtez de votre table, vous le retrouvez dans votre poche. Vous n’avez pas plus de mérite à ses yeux que le paysan qui, au lieu de manger ses poulets, va les porter au marché. Votre histoire est celle d’un enfant gâté qui exige un décime de sa mère si elle veut qu’il jeûne le vendre saint. Mais, l’argent que vous auront épargné