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Page:Œuvres de C. Tillier - IV.djvu/20

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point trouvé de lyre ! que de musiciens auxquels un archet n’est point venu ! que de peintres qui ne sont point allés à Rome ! que de journalistes qui n’ont pu arriver au ministère ! et que de Napoléons, peut-être, qui n’ont pu tirer leur épée du fourreau ! S’il fallait que nous aidassions de notre bourse chacun à se placer sur l’échelon social où il voudrait bien être, il faudrait que notre bourse fût une mine d’or. Et, d’ailleurs, pourquoi aiderais-je plutôt à suivre sa vocation un rhétoricien qui a des dispositions pour la prêtrise, qu’un marmiton qui a des dispositions pour la cuisine. Si plusieurs préfèrent une grand’messe à un bon déjeûner, beaucoup aussi préfèrent un bon déjeûner à une grand’messe.

Mais je souris en moi-même, quand vous me parlez de la vocation de ces apôtres qui courent après une bourse de séminaire. J’en connais plus d’un qui s’est courbé avec désespoir sous votre lourde tonsure. Ce monde dont vous l’avez violemment arraché, il n’en avait foulé que les bords ; mais il avait entendu de loin le son des violons, et vu flotter de loin les rubans des jeunes filles. En vain vous lui dites que sous les gazons de ce trompeur Eden il y a d’horribles serpents : il n’y a vu que des fleurs ; que la belle dame qui une fois lui a souri avait un cancer sous son châle : sur son front, sur ses joues, sur ses lèvres en fleur il n’a vu que des roses. Il s’est enfermé dans votre étroite soutane, qui presse et gêne l’homme de tous les côtés, comme dans un cercueil ; il gèle entre les froides murailles de votre séminaire ; des dalles jaunes de l’église il s’élève pour lui comme une poussière de la tombe ! A cette oisiveté pleine de liesses que lui promettez, il préférerait une pioche de cantonnier avec une maison blanche sur le bord du chemin, entre deux grands noyer ?, et une jeune femme. Mais la vocation de tous ces pauvres diables, savez-vous ce que c’est ? c’est l’égoïsme abominable de leurs père et mère, de leur mère surtout, qui rêvent d’une heureuse vieillesse sous le toit paisible d’un