Page:Œuvres de C. Tillier - IV.djvu/19

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

se passe le dimanche de la grand’messe ? Voulez-vous donc vous former un corps de réserve ?

Je conçois qu’il est fort désagréable, quand on a de la vocation pour une bonne cure, de ne pouvoir, faute de quelque argent, arriver à son but ; mais que voulez-vous ? c’est un malheur auquel feus les Saints-Simoniens avaient seuls trouvé un remède. Vous avez soif ; à quelques mètres de vous est une magnifique treille de muscat ; mais un fossé profond vous arrête. Vous priez les passants d’avoir pitié de vous et de vous aider à combler le fossé, afin que vous puissiez atteindre ces délicieuses grappes pour lesquelles vous avez de la vocation. Ils se rient de vous, cl ils font bien. Allez boire, comme les autres, à la rivière.

Rien n’est plus commun que ces désappointements. S’il fallait en pleurer, la rue serait un torrent de larmes. Sur trois hommes qui passent, il y en a deux qui n’ont pu choisir leur profession, et pour choisir sa profession, il faut avoir vingt mille francs de rente. La société se fait un malin plaisir de contrarier nos penchants : si nous lui demandons blanc, elle nous donne noir ; vous avez faim, elle vous offre un verre d’eau à la glace ; au fantassin elle fait présent d’une paire d’éperons, et au cavalier d’un sous-pied de guêtre ; vous auriez voulu être couvreur, elle vous fait garçon de cave ; vous aviez des jarrets articulés pour la danse, et vous êtes obligé de vous croiser les jambes sur l’établi d’un tailleur. Tout ce qui existe est soumis à cette loi : la rose aime les papillons, et une couturière la met dans un pot sur la fenêtre de sa mansarde, où les mouches la tachètent de leurs ordures ; telle plante aime l’humidité des gras terrains et l’ombre épaisse des grands arbres, et le vent qui passe la sème sur le faîte d’un vieux mur. Ce ruisseau qui serait content de serpenter paresseusement dans la campagne, la pente tyrannique du sol l’entraîne au milieu des rochers et déchire ses eaux sur leurs pointes. Vous vous plaignez de ne pouvoir dire la messe, vous qui la diriez si bien; mais est ce donc à vous seul qu’un pareil malheur est arrivé ? Que de poètes qui n’ont