Page:Œuvres de Chapelle et de Bachaumont.djvu/30

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fait, ce que dit un homme lorsqu’il est à peu près privé de sa raison, qui peut rendre avec exactitude son véritable caractère ? Ensuite, ai-je l’entière certitude que la plupart de ces anecdotes n’aient pas été inventées pour aider à remplir des ana ? Est-ce qu’on pourroit me garantir toutes les circonstances de ce prétendu souper tête à tête avec un maréchal de France, souper à la suite duquel Chapelle et son commensal font le projet d’aller prêcher la foi aux infidèles, puis, se divisant sur une question de préséance, sur l’importante question de savoir auquel des deux appartiendra l’honneur d’être empalé le premier, se précipitent l’un sur l’autre et se gourment à qui mieux mieux, jusqu’à ce que leurs domestiques viennent les séparer ?

Est-ce que, malgré les assurances de Racine le fils, je puis prendre au sérieux cet éternel conte du souper d’Auteuil chez Molière, où les convives, après une longue dissertation philosophique sur les misères de la vie, prennent, d’un accord unanime, la résolution d’y échapper en allant tous se jeter dans la Seine, et, Chapelle en tête, auroient mis leur dessein à exécution si Molière, éveillé à temps, ne leur avoit persuadé d’attendre le grand jour, afin que le soleil pût éclairer une action si éclatante, à laquelle lui-même promettoit de prendre part ?