Viens, Phylis, avec moi, viens passer la soirée ;
Qu’à table les Amours nous couronnent de fleurs ;
De myrte, comme toi, que leur Mere parée
Vienne de mon esprit effacer[1] ces noirceurs :
Et toi, Pere de l’Alégresse,
Viens, à l’ardeur de ma tendresse,
Bacchus, joindre ton enjouement ;
Viens, sur moi, d’une double yvresse,
Répandre tout l’enchantement.
À l’envi de tes yeux, vois comme ce vin brille :
Verse-m’en, ma Phylis, et noie de ta main
Dans sa mousse qui pétille,
Les soucis du lendemain.
Ainsi l’on peut passer avec tranquillité
Les ans que nous départ l’aveugle Destinée,
Et goûter sagement la molle oisiveté
D’une paresse raisonnée.
Princesse, puissiez-vous comprendre par ma voix
Un léger crayon des Loix
Que la prudente Nature
Dictoit en Grece autrefois
Par la bouche d’Épicure,
Cet Esprit élevé, qui, dans sa noble ardeur,
S’envola pardelà les murailles du Monde,
Affranchit les mortels d’une indigne terreur,
Et bannit, le premier, de la Machine ronde
Les Enfans de la Peur, le Mensonge et l’Erreur.
- ↑ Effacer les noirceurs.