Page:Œuvres de Descartes, éd. Cousin, tome I.djvu/292

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tenant, je ne saurois pas pour cela éviter la force de ce raisonnement, et ne laisse pas de connoître qu’il est nécessaire que Dieu soit l’auteur de mon existence. Car tout le temps de ma vie peut être divisé en une infinité de parties, chacune desquelles ne dépend en aucune façon des autres ; et ainsi, de ce qu’un peu auparavant j’ai été, il ne s’ensuit pas que je doive maintenant être, si ce n’est qu’en ce moment quelque cause me produise et me crée pour ainsi dire derechef, c’est-à-dire me conserve. En effet, c’est une chose bien claire et bien évidente à tous ceux qui considéreront avec attention la nature du temps, qu’une substance, pour être conservée dans tous les moments qu’elle dure, a besoin du même pouvoir et de la même action qui seroit nécessaire pour la produire et la créer tout de nouveau, si elle n’étoit point encore ; en sorte que c’est une chose que la lumière naturelle nous fait voir clairement, que la conservation et la création ne diffèrent qu’au regard de notre façon de penser, et non point en effet. Il faut donc seulement ici que je m’interroge et me consulte moi-même, pour voir si j’ai en moi quelque pouvoir et quelque vertu au moyen de laquelle je puisse faire que moi qui suis maintenant, je sois encore un moment après : car puisque je ne suis rien qu’une chose qui pense (ou du moins puisqu’il ne s’agit encore jusques ici précisément que de cette partie-là de moi-même), si une