Page:Œuvres de Descartes, éd. Cousin, tome I.djvu/31

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comment cet être si foible a-t-il pu embrasser et concevoir l’infini ? Cette idée ne lui est-elle pas étrangère ? ne suppose-t-elle pas hors de lui un être qui en soit le modèle et le principe ? Cet être n’est-il pas Dieu ? Toutes les autres idées claires et distinctes que l’homme trouve en lui ne renferment que l’existence possible de leur objet : l’idée seule de l’être parfait renferme une existence nécessaire. Cette idée est pour Descartes le commencement de la grande chaîne. Si tous les êtres créés sont une émanation du premier être, si toutes les lois qui font l’ordre physique et l’ordre moral sont, ou des rapports nécessaires que Dieu a vus, ou des rapports qu’il a établis librement, en connoissant ce qui est le plus conforme à ses attributs, on connoîtra les lois primitives de la nature. Ainsi la connoissance de tous les êtres se trouve enchaînée à celle du premier. C’est elle aussi qui affermit la marche de l’esprit humain, et sert de base à l’évidence ; c’est elle qui, en m’apprenant que la vérité éternelle ne peut me tromper, m’ordonne de regarder comme vrai tout ce que ma raison me présentera comme évident.

Appuyé de ce principe, et sûr de sa marche, Descartes passe à l’analyse de son âme. Il a remarqué que, dans son doute, l’étendue, la figure et le mouvement s’anéantissoient pour lui. Sa pensée seule demeuroit ; seule elle restoit immuablement