Page:Œuvres de Descartes, éd. Cousin, tome I.djvu/311

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

dans une seule chose et comme dans un indivisible, il semble que sa nature est telle qu’on ne lui sauroit rien ôter sans la détruire ; et certes, plus elle a d’étendue, et plus ai-je à remercier la bonté de celui qui me l’a donnée.

Et enfin je ne dois pas aussi me plaindre de ce que Dieu concourt avec moi pour former les actes de cette volonté, c’est-à-dire les jugements dans lesquels je me trompe, parceque ces actes-là sont entièrement vrais et absolument bons, en tant qu’ils dépendent de Dieu ; et il y a en quelque sorte plus de perfection en ma nature, de ce que je les puis former, que si je ne le pouvois pas. Pour la privation, dans laquelle seule consiste la raison formelle de l’erreur et du péché, elle n’a besoin d’aucun concours de Dieu, parceque ce n’est pas une chose ou un être, et que si on la rapporte à Dieu comme à sa cause, elle ne doit pas être nommée privation, mais seulement négation, selon la signification qu’on donne à ces mots dans l’école. Car en effet ce n’est point une imperfection en Dieu de ce qu’il m’a donné la liberté de donner mon jugement, ou de ne le pas donner sur certaines choses dont il n’a pas mis une claire et distincte connoissance en mon entendement ; mais sans doute c’est en moi une imperfection de ce que je n’use pas bien de cette liberté, et que je donne témérairement mon jugement sur des