Page:Œuvres de Descartes, éd. Cousin, tome I.djvu/312

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choses que je ne conçois qu’avec obscurité et confusion.

Je vois néanmoins qu’il étoit aisé à Dieu de faire en sorte que je ne me trompasse jamais, quoi que je demeurasse libre et d’une connoissance bornée : à savoir, s’il eût donné à mon entendement une claire et distincte intelligence de toutes les choses dont je devois jamais délibérer, ou bien seulement s’il eût si profondément gravé dans ma mémoire la résolution de ne juger jamais d’aucune chose sans la concevoir clairement et distinctement, que je ne la pusse jamais oublier. Et je remarque bien qu’en tant que je me considère tout seul, comme s’il n’y avoit que moi au monde, j’aurois été beaucoup plus parfait que je ne suis, si Dieu m’avoit créé tel que je ne faillisse jamais ; mais je ne puis pas pour cela nier que ce ne soit en quelque façon une plus grande perfection dans l’univers, de ce que quelques unes de ses parties ne sont pas exemptes de défaut, que d’autres le sont, que si elles étoient toutes semblables.

Et je n’ai aucun droit de me plaindre que Dieu, m’ayant mis au monde, n’ait pas voulu me mettre au rang des choses les plus nobles et les plus parfaites : même j’ai sujet de me contenter de ce que, s’il ne m’a pas donné la perfection de ne point faillir par le premier moyen que j’ai ci-dessus déclaré, qui dépend d’une claire et évidente con-