Page:Œuvres de Descartes, éd. Cousin, tome I.djvu/421

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exister sans lui. » À quoi il est aisé d’ajouter : « Tout ce qui peut penser est esprit ou s’appelle esprit. » Mais, puisque le corps et l’esprit sont réellement distincts, nul corps n’est esprit : donc nul corps ne peut penser. Et certes je ne vois rien en cela que vous puissiez nier ; car nierez-vous qu’il suffit que nous concevions clairement une chose sans une autre pour savoir qu’elles sont réellement distinctes ? Donnez-nous donc quelque signe plus certain de la distinction réelle, si toutefois on en peut donner aucun. Car que direz-vous ? Sera-ce que ces choses-là sont réellement distinctes, chacune desquelles peut exister sans l’autre ? Mais derechef je vous demanderai d’où vous connoissez qu’une chose peut exister sans une autre ? Car, afin que ce soit un signe de distinction, il est nécessaire qu’il soit connu. Peut-être direz-vous que les sens vous le font connoitre, parceque vous voyez une chose en l’absence de l’autre, ou que vous la touchez, etc. Mais la foi des sens est plus incertaine que celle de l’entendement ; et il se peut faire en plusieurs façons qu’une seule et même chose paroisse à nos sens sous diverses formes, ou en plusieurs lieux ou manières, et qu’ainsi elle soit prise pour deux. Et enfin, si vous vous ressouvenez de ce qui a été dit de la cire à la fin de la seconde Méditation, vous saurez que les corps mêmes ne sont pas proprement