Page:Œuvres de Descartes, éd. Cousin, tome I.djvu/479

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de penser à elles : je n’ai point aussi parlé en ce lieu-là de la raison formelle de l’esprit, ni même de celle du corps.

Et il ne sert de rien de dire, comme fait ici ce philosophe, qu’une pensée ne peut pas être le sujet d’une autre pensée. Car qui a jamais feint cela que lui ? Mais je tâcherai ici d’expliquer en peu de paroles tout le sujet dont est question.

Il est certain que la pensée ne peut pas être sans une chose qui pense, et en général aucun accident ou aucun acte ne peut être sans une substance de laquelle il soit l’acte. Mais d’autant que nous ne connoissons pas la substance immédiatement par elle-même, mais seulement parcequ’elle est le sujet de quelques actes, il est fort convenable à la raison, et l’usage même le requiert, que nous appelions de divers noms ces substances que nous connoissons être les sujets de plusieurs actes ou accidents entièrement différents, et qu’après cela nous examinions si ces divers noms signifient des choses différentes ou une seule et même chose. Or il y a certains actes que nous appelons corporels, comme la grandeur, la figure, le mouvement, et toutes les autres choses qui ne peuvent être conçues sans une extension locale ; et nous appelons du nom de corps la substance en laquelle ils résident : et on ne peut pas feindre que ce soit une autre substance qui soit le sujet de la figure, une