Page:Œuvres de Descartes, éd. Cousin, tome I.djvu/485

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homme, à une chimère, au ciel, à un ange, ou à Dieu. »

Lorsque je pense à un homme, je me représente une idée ou une image composée de couleur et de figure, de laquelle je puis douter si elle a la ressemblance d’un homme ou si elle ne l’a pas. Il en est de même lorsque je pense au ciel. Lorsque je pense à une chimère, je me représente une idée ou une image, de laquelle je puis douter si elle est le portrait de quelque animal qui n’existe point, mais qui puisse être, ou qui ait été autrefois, ou bien qui n’ait jamais été. Et lorsque quelqu’un pense à un ange, quelquefois l’image d’une flamme se présente à son esprit, et quelquefois celle d’un jeune enfant qui a des ailes, de laquelle je pense pouvoir dire avec certitude qu’elle n’a point la ressemblance d’un ange, et partant qu’elle n’est point l’idée d’un ange ; mais, croyant qu’il y a des créatures invisibles et immatérielles qui sont les ministres de Dieu, nous donnons à une chose que nous croyons ou supposons le nom d’ange, quoique néanmoins l’idée sous laquelle j’imagine un ange soit composée des idées des choses visibles.

Il en est de même du nom vénérable de Dieu, de qui nous n’avons aucune image ou idée ; c’est pourquoi on nous défend de l’adorer sous une image, de peur qu’il ne nous semble que nous concevions celui qui est inconcevable.