Page:Œuvres de Descartes, éd. Cousin, tome I.djvu/489

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est porté à ce mouvement animal que nous appelons fuite. Maintenant ce mouvement de fuite n’est pas une pensée ; et partant il reste que dans la crainte il n’y a point d’autre pensée que celle qui consiste en la ressemblance de la chose que l’on craint : le même se peut dire aussi de la volonté.

De plus l’affirmation et la négation ne se font point sans parole et sans noms, d’où vient que les bêtes ne peuvent rien affirmer ni nier, non pas même par la pensée, et partant ne peuvent aussi faire aucun jugement ; et néanmoins la pensée peut être semblable dans un homme et dans une bête. Car, quand nous affirmons qu’un homme court, nous n’avons point d’autre pensée que celle qu’a un chien qui voit courir son maître, et partant l’affirmation et la négation n’ajoutent rien aux simples pensées, si ce n’est peut-être la pensée que les noms dont l’affirmation est composée sont les noms de la chose même qui est en l’esprit de celui qui affirme ; et cela n’est rien autre chose que comprendre par la pensée la ressemblance de la chose, mais cette ressemblance deux fois.


RÉPONSE.


Il est de soi très évident que c’est autre chose de voir un lion et ensemble de le craindre, que de le voir seulement ; et tout de même que c’est autre chose de voir un homme qui court, que d’as-